On n'est qu'en octobre et pourtant, pour les fans des Red Hot Chili Peppers, c'est déjà Noël ! Quelques mois seulement après la sortie d'Unlimited Love, qui marquait le grand retour de John Frusciante parmi les siens, le groupe dévoile aujourd'hui un deuxième album de 17 titres inédits, intitulé Return of the Dream Canteen. À table !
Pour la première fois depuis le début de leur très longue histoire, entamée il y a presque 40 ans, les Red Hot Chili Peppers auront donc sorti deux albums au cours de la même année, à 6 mois d'écart seulement. Une générosité surprenante pour un groupe qui nous avait plutôt habitué à une forme de rareté ces derniers temps en laissant s'écouler une demi-décennie entre chaque disque. Si cette abondante productivité fait partie intégrante du processus créatif du groupe, qui a pris la délicieuse habitude de plancher sur une quarantaine de titres à chaque session de travail, cette démarche inédite a suscité un engouement légitime au regard de son caractère exceptionnel. Alors, à quoi s'attendre avec Return of the Dream Canteen ?
Ce nouvel opus s'ouvre avec les premières notes du désormais familier Tippa My Tongue, qui donne le ton de ce disque qui trouve sa continuité dans la lignée d'Unlimited Love. On ne se retrouve pas franchement en terrain inconnu lorsque retentit la basse ronde et chaleureuse de Flea sur l'intro de Peace and Love, qui nous surprend davantage par la mélodie généreuse de son refrain et ses arrangements qui rappellent l'époquée dorée de Stadium Arcadium. C'est d'ailleurs la grande force de cet album : il n'hésite pas à aller plus loin que son prédécesseur dans l'expérimentation et l'innovation tout en mobilisant l'immense héritage du groupe. Reach Out met ainsi en avant la fameuse "two-notes technique" de John Frusciante sur son intro avant de basculer dans un registre bien plus sombre avec son refrain saturé et ses guitares lancinantes. On retrouve cette même dichotomie sur Fake as F@ck, qui suit la sublime Eddie et qui propose à son tour des couplets calmes et épurés puis un refrain aux couleurs funk bien plus éclatantes. Bella marque ensuite la premier coup d'éclat de l'album avec un morceau qui ressuscite la saveur douce-amère de By The Way (l'album) sur un refrain qui figure parmi les plus accrocheurs du disque. C'est Chad Smith qui lance les hostilités sur Roulette, le titre suivant, qui rappellera Bastards of Light par sa structure et son étonnant refrain aux sonorités country.
Véritable OVNI de ce disque décidément bien audacieux, My Cigarette divisera sans doute par sa boîte à rythmes et ses accents presque RNB. Il faut dire que Return of the Dream Canteen ne s'interdit rien et assume pleinement cet enthousiasme contagieux qui le caractérise. Afterlife est un modèle de cette énergie absolument transcendante qui fait vibrer ses couplets et ses choeurs angéliques. C'est d'ailleurs John Frusciante, qui conclut le morceau d'un solo d'une pureté folle. La transition est toute trouvée avec la délicatesse de Shoot Me a Smile, aérienne et mélancolique jusqu'à son refrain dont on notera les similitudes avec celui d'On Mercury. Plus douce, la deuxième partie de l'album accorde davantage de place aux mélodies et aux arrangements, qui semblent faire écho à la période Stadium Arcadium. C'est ainsi qu'il s'offre coup sur coup deux morceaux d'une beauté folle : Handful, qui n'aurait pas dépareillé en B-side de Stadium Arcadium par ses sonorités qui rappellent Bob ou Funny Face puis The Drummer qui restera notre coup de coeur du disque. On saluera ici la constance remarquable d'Anthony Kiedis, qui brille sur ce disque par la variété de son répertoire et la justesse de ses toplines. C'est d'ailleurs le cas sur le sulfureux Bag of Grins, qui brille par son énergie ténébreuse et ses choeurs dramatiques qui restent instantanément en tête. À l'image de My Cigarette, La La La La La La La La restera l'un des titres les plus inattendus du lot avec cette ballade au piano, simple et douce, sur laquelle la voix d'Anthony Kiedis se promène librement, rejointe par celle de John Frusciante sur le refrain. Plus anecdotique, Copperbelly restera davantage dans nos têtes comme l'un des multiples exemples de la complicité entre Flea et John Frusciante sur ces progressions d'accords inimitables plutôt que pour ce qu'il apporte vraiment au disque. Tout le contraire, en somme, de Carry Me Home, qui met le feu aux poudres avec cette intro qui porte en elle la promesse d'un live incandescent et cette guitare absolument jouissive qui met en valeur les prouesses vocales de Kiedis. Comme un clin d'oeil qui souligne l'extraordinaire créativité de ce nouvel album, In The Snow clôt l'ensemble par un exercice de style qui ravira les plus curieux·euses, avec ces sonorités électroniques qui viennent rappeler que le groupe ne cesse jamais d'explorer de nouveaux horizons.
A l'arrivée, Return of the Dream Canteen est un album complet, qui s'aventure dans des contrées musicales suprenantes sans jamais perdre son auditeur pour autant. On ne sait plus bien si le groupe fait du vieux avec du neuf ou du neuf avec du vieux mais peu importe : on y retrouve l'essentiel de ce qu'on était venu y chercher tout en découvrant des ressources insoupçonnées chez notre groupe préféré, même après près de 40 ans de carrière. Flea et Chad Smith y font toujours office de valeurs sûres, véritables métronomes en termes de solidité et de créativité, Anthony Kiedis y paraît plus à l'aise que jamais tandis que John Frusciante continue à inventer et à se réinventer au fil des morceaux.
On ne sait pas quand sortira le prochain album du groupe, mais pour les sémillants sexagénaires, une chose est sûre : le futur s'annonce radieux.